Depuis la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, une responsabilité pour faute a été instituée à l’article L. 1142-1, I, alinéa 1er, du code de la santé publique. Il est prévu que hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute. Mais encore faut-il prouver la faute, dont la démonstration, de manière générale dans un procès civil, incombe à celui qui l’invoque.
Dans un arrêt rendu le 16 octobre 2024, la première chambre civile semble venir admettre une présomption de faute, en l’absence d’éléments du dossier médical permettant d’établir que le médecin avait apporté des soins appropriés.
Lors d’une arthroscopie, une rupture d’une broche guide métallique est survenue. Dans les suites de l’intervention, le patient se plaignant de douleurs persistantes importantes, une arthroplastie a été pratiquée. En conséquence de quoi le patient a assigné en responsabilité et indemnisation le chirurgien.
Lors de l’expertise judiciaire, il a été relevé que Société française d’arthroscopie (SFA) recommandait de commencer ce type d’intervention par une introduction d’air puis de sérum physiologique dans l’articulation. Or, le compte-rendu opératoire ne mentionnait pas que ce geste avait été fait, mais le chirurgien avait indiqué y recourir systématiquement.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence rappelant que la faute du médecin ne se présume pas, mais qu’il appartient à celui s’en prévaut d’en rapporter la démonstration, en a alors déduit que le dommage subi par le patient pouvait avoir deux origines distinctes : une constitution anatomique du patient de surcroît atteint d’arthrose, ce qui est avéré ou bien un manquement du médecin qui n’aurait pas injecté d’aire et de sérum, ce qui ne reste qu’une hypothèse, non avérée et ne reposant sur aucun autre élément objectif que le déclaratif. La faute du chirurgien n’était donc pas démontrée.
Bien que rappelant que la responsabilité civile du médecin est une responsabilité pour faute, la Cour de Cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence en précisant qu’en l’absence d’éléments permettant d’établir que la recommandation précitée avait été suivie, il appartient au médecin d’apporter la preuve que les soins apportés étaient appropriés.
Autrement dit, s’il appartient au demandeur d’apporter la preuve de la faute du professionnel de santé, c’est à celui-ci d’apporter la preuve que les soins prodigués ont été appropriés, lorsqu’il n’est pas établi qu’il a suivi les recommandations préconisées, c’est-à-dire lorsque l’information sur la prise en charge est absente ou insuffisante.
Cette décision permet de rappeler deux principes primordiaux :
- que le médecin a l’obligation d’accomplir des actes de soins « appropriés », c’est-à-dire conformes aux données acquises de la science.
- que le professionnel de santé est tenu à une obligation d’information dont la charge du respect de cette obligation lui incombe
C’est une décision très sévère pour les professionnels de santé, qui revient à faire peser sur lui une présomption de faute, dont la preuve contraire peut être difficile à rapporter notamment dans le cas où le compte-rendu opératoire est incomplet, mais encore lorsque le choix d’un praticien a été de ne pas effectuer un geste plutôt qu’un autre.
Un conseil est de rigueur : soyez diligent dans les soins prodigués et dans la rédaction des comptes-rendus opératoire, plus généralement dans les informations de prise en charge du patient !